Les meilleures méthodes d’élicitation en Business Analyse
Michaël Frasse
9/11/20255 min read


L’élicitation est l’une des pierres angulaires du métier de Business Analyste. Derrière ce terme technique se cache une réalité très simple : comprendre les besoins. Mais comprendre ne signifie pas seulement écouter ce que les parties prenantes expriment ; cela implique aussi de capter les non-dits, de débusquer les contradictions et d’aller chercher ce que même les utilisateurs ne savent pas encore formuler. Toute la réussite d’un projet dépend de cette capacité à éclairer le besoin sous tous ses angles et à le traduire en exigences claires et utiles.
Il existe de nombreuses méthodes pour mener à bien cette tâche. Certaines privilégient le dialogue direct, d’autres l’observation, d’autres encore l’analyse de ce qui existe déjà ou la créativité collective. Chaque méthode a ses forces, ses limites et son contexte d’application. L’art du Business Analyste n’est pas seulement de les connaître, mais surtout de savoir quand les employer et comment les combiner.
Le dialogue comme point de départ
La manière la plus évidente et sans doute la plus répandue consiste à aller parler aux parties prenantes. Les entretiens individuels constituent la base de cette approche. En tête-à-tête, il devient possible d’entrer dans la profondeur des besoins, de comprendre la réalité quotidienne d’un métier, les irritants, mais aussi les aspirations. L’entretien crée une relation de confiance, surtout lorsqu’il est bien préparé : des questions ouvertes, une écoute active et une capacité à reformuler pour s’assurer que l’on a compris. Ce qui paraît simple en surface devient vite un exercice subtil : les interlocuteurs ne sont pas toujours disponibles, parfois réticents à s’exprimer, ou bien tentés d’exagérer certains problèmes pour obtenir davantage de ressources.
Lorsque les besoins dépassent un individu pour concerner plusieurs profils, il devient pertinent d’organiser des ateliers collaboratifs. Dans ces sessions collectives, le rôle du Business Analyste n’est plus seulement de questionner mais d’animer, de canaliser l’énergie d’un groupe pour faire émerger des priorités communes. L’atelier a l’avantage d’accélérer les alignements et de confronter les points de vue. On y pratique souvent des techniques comme le story mapping pour visualiser un parcours utilisateur ou la priorisation MoSCoW pour distinguer l’essentiel du secondaire. Mais un atelier mal animé peut virer au chaos : certains participants monopolisent la parole, d’autres n’osent pas intervenir. L’équilibre entre structure et ouverture est ici décisif.
Dans une logique un peu différente, les focus groups permettent de rassembler un panel représentatif d’utilisateurs pour explorer leurs perceptions, leurs attentes, leurs freins. Il ne s’agit pas de trancher des choix techniques ou organisationnels, mais de prendre la température, de capter une expérience vécue. Ce type de méthode est particulièrement utile lorsque le projet vise un produit ou un service tourné vers le client final.
Observer plutôt qu’écouter
Il arrive que les discours ne suffisent pas. Les utilisateurs eux-mêmes ne sont pas toujours conscients de certaines habitudes ou contournements qu’ils pratiquent. Dans ce cas, l’observation s’impose comme une méthode précieuse. Observer passivement un utilisateur dans son environnement, c’est découvrir des gestes automatiques, des incohérences dans un processus, ou encore des outils détournés de leur usage premier. Ces indices silencieux révèlent souvent des besoins implicites qu’aucun entretien n’aurait fait émerger.
L’observation peut aussi être plus participative. C’est ce que l’on appelle le shadowing : le Business Analyste accompagne un utilisateur dans son quotidien, l’interroge au fil de l’eau, et parfois teste lui-même certaines tâches. Cette immersion permet de comprendre la réalité d’un métier dans ses détails concrets, de ressentir la pression du temps, la complexité des enchaînements. Elle demande toutefois une certaine finesse pour ne pas influencer le comportement observé.
Dans des projets de grande envergure ou de nature sociotechnique, certains vont jusqu’à recourir à l’ethnographie de terrain. Il ne s’agit plus de quelques heures d’observation, mais d’une véritable immersion dans l’environnement des utilisateurs. Le Business Analyste vit presque à leur rythme, partage leurs contraintes, absorbe la culture d’équipe. C’est une méthode coûteuse en temps et en énergie, mais elle révèle des dimensions culturelles ou organisationnelles invisibles autrement.
L’analyse de l’existant
Toutes les informations ne se trouvent pas dans les conversations ni dans l’observation. Bien souvent, les organisations possèdent déjà une masse de documents, de procédures, de rapports qui contiennent des fragments essentiels du besoin. L’analyse documentaire fait alors gagner un temps précieux, surtout dans les phases initiales d’un projet. Elle permet de comprendre les règles déjà établies, les processus théoriques et les décisions passées. Mais elle a ses limites : les documents sont fréquemment obsolètes ou incomplets, et ils reflètent la vision de ceux qui les ont rédigés plutôt que la réalité du terrain.
De plus en plus, le Business Analyste peut aussi s’appuyer sur l’analyse de données. Les systèmes informatiques conservent des traces d’utilisation, des volumes, des temps de traitement. Explorer ces données, c’est obtenir une vision objective des comportements et des tendances. Par exemple, un projet visant à améliorer un site e-commerce pourra s’appuyer sur des statistiques de navigation pour identifier les étapes où les clients abandonnent leur panier. Là encore, le danger réside dans l’interprétation : les chiffres montrent ce qui se passe, mais pas toujours pourquoi cela se produit.
Stimuler la créativité
Enfin, certaines situations exigent de sortir du cadre et de provoquer l’innovation. Les méthodes créatives trouvent ici leur place. Le brainstorming est le plus connu, mais il en existe bien d’autres, comme le design thinking ou les ateliers de prototypage rapide. Ces démarches consistent à faire imaginer de nouvelles solutions, à se projeter dans l’expérience utilisateur et à matérialiser rapidement des idées sous forme de croquis ou de maquettes. Le grand avantage est de rendre concret ce qui reste abstrait, et de donner aux parties prenantes un support tangible pour réagir. Mais là encore, la réussite dépend de l’animation : sans cadre, la créativité peut s’égarer et produire beaucoup d’idées irréalistes.
Choisir la bonne approche
Aucune de ces méthodes ne suffit à elle seule. Le Business Analyste expérimenté sait qu’il doit combiner plusieurs approches pour obtenir une vision complète. Un projet peut commencer par une analyse documentaire, se poursuivre avec des entretiens individuels, puis se prolonger par des ateliers de priorisation. Dans certains cas, l’observation sur le terrain viendra valider ce qui a été exprimé en entretien. Dans d’autres, un prototypage rapide permettra de lever les ambiguïtés restantes.
Le choix dépend de nombreux facteurs : la culture de l’organisation, la disponibilité des parties prenantes, le budget, le temps, mais aussi la nature même du projet. Un projet technique et interne n’aura pas les mêmes exigences qu’un projet orienté vers des clients externes. L’essentiel reste de ne pas confondre méthode et objectif : l’important n’est pas d’appliquer un catalogue de techniques, mais de s’assurer que les besoins sont compris, validés et traduits de façon claire pour guider la solution.
Conclusion
L’élicitation n’est pas une formalité, mais un véritable savoir-faire. Elle combine psychologie, sens de l’écoute, rigueur analytique et créativité. Le Business Analyste doit être à la fois enquêteur, traducteur, facilitateur et parfois même médiateur. Connaître les différentes méthodes d’élicitation, c’est enrichir sa boîte à outils. Savoir les choisir et les combiner, c’est faire la différence entre un projet qui avance dans la clarté et un projet qui s’enlise dans les malentendus.
En définitive, les meilleures méthodes d’élicitation ne sont pas celles qui impressionnent par leur technicité, mais celles qui permettent réellement de capter l’essence du besoin et de bâtir une solution qui apporte de la valeur. C’est là que réside le cœur du métier de Business Analyste.
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